Bibliothécaires stagiaires : après la victoire en appel contre l’ENSSIB et le MESRI, l’État tarde à payer les indemnités de plusieurs requérant·es et se voit condamner à verser des indemnités supplémentaires.

Souvenez-vous…

Suite au rejet par l’ENSSIB (École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques) de leur demande de versement de la prime de technicité forfaitaire pour la période du 1er octobre 2015 au 31 mars 2016, plusieurs bibliothécaires stagiaires soutenu·es par le SNASUB-FSU avaient déposé un recours au tribunal administratif. Mais, pour le ministère et la direction de l’ENSSIB, les stagiaires ne relevaient pas du régime indemnitaire des titulaires et n’effectuaient pas de tâches spécifiques pouvant justifier l’attribution de l’indemnité.

Par un jugement du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a donné raison aux bibliothécaires, estimant qu’il résulte des dispositions des décrets des 26 mars 1993 et 14 janvier 2012 que le bénéfice de cette prime est lié aux seules caractéristiques des emplois occupés – ou que les agents ont vocation à occuper – compte tenu de leur appartenance à un corps spécifique de fonctionnaires. En prévoyant qu’elle peut être attribué aux « bibliothécaires et aux bibliothécaires assistants spécialisés » ou aux « fonctionnaires », le pouvoir réglementaire a entendu en ouvrir le bénéfice aux stagiaires, alors même que ces derniers se trouvent en formation : « les dispositions du décret du 26 mars 1993 ne subordonnent pas l’octroi de cette prime dont le taux annuel est fixé par arrêté, à une appréciation par l’autorité administrative de l’exercice effectif par les bibliothécaires de tâches particulières ou de sujétions spéciales, mais seulement à leur appartenance
au corps des bibliothécaires ». En conséquence, le tribunal avait estimé que les requérants étaient « fondés à demander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle leur refuse le versement de la prime de technicité forfaitaire au titre de la période du 1 er octobre 2015 au 31 mars 2016. »

En Cour administrative d’appel, le ministère et l’ENSSIB ont soutenu que :

  • La prime de technicité forfaitaire est allouée aux bibliothécaires justifiant de tâches particulières et sujétions spéciales ce qui n’est pas le cas des stagiaires de l’école ;
  • les stagiaires en formation au sein d’une école spécialisée n’ont aucun droit à être titularisées à l’issue de leur stage et ne peuvent pas être assimilés à des bibliothécaires en poste ;
  • le décret en ne prévoyant pas de référence aux bibliothécaires stagiaires les exclue du bénéfice de la prime ;
  • l’arrêté du 14 mai 2018 pris pour application des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 prévoit expressément aujourd’hui le versement d’une prime aux bibliothécaires stagiaires ;
  • les bibliothécaires stagiaires à l’ENSSIB ne justifient d’aucune tâche particulière ou sujétions spéciales.

Mais la Cour d’appel ne les a pas suivi, considérant dans son jugement que :

  • les stagiaires sont soumis, en matière de rémunération, aux mêmes règles que les titulaires du corps.
  • l’article 1er du décret du 26 mars 1993 indique : « Une prime de technicité forfaitaire
    est allouée aux bibliothécaires (…) pour tenir compte des tâches particulières qui leur sont confiées ainsi que des sujétions spéciales qui leur incombent (…) « L’article 1er de l’arrêté du 6 juillet 2000 en vigueur à la date de la décision attaquée, fixe à 1443,84 € le montant annuel de la prime ». Il résulte de ces dispositions que la
    prime de technicité forfaitaire est allouée aux bibliothécaires, sans distinction de leur qualité de titulaire ou de stagiaire, en seule considération de leur appartenance à ce corps de fonctionnaires, au regard des responsabilités que leurs emplois impliquent ou de la technicité qu’ils requièrent, sans que le pouvoir réglementaire ait limité cette attribution à des affectations particulières. L’octroi de cette prime n’est pas davantage subordonné à l’appréciation par l’autorité administrative du mérite des bénéficiaires ou à la modulation de son montant, qui est forfaitaire ».

Le 13 février 2020, la CAA de Lyon a confirmé le jugement de première instance, légitimant l’attribution de la prime de technicité forfaitaire aux bibliothécaires stagiaires de l’ENSSIB !

Suite de l’affaire…

Par un arrêt du 19 août 2021, la cour a enjoint au MESRI et à l’ENSSIB de procéder au versement des sommes correspondant à la prime de technicité forfaitaire, dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et a décidé de prononcer une astreinte provisoire à son encontre, dont le taux journalier a été fixé à 50 euros, puis revu à la baisse et fixé à 25 euros une fois qu’une instruction a montré des retards allant de 36 à 92 jours dans le paiement des indemnités (les dispositions de l’article L. 911-8 du code de justice administrative ne s’appliquent pas lorsque l’Etat est débiteur
de l’astreinte).