Jusqu’à dix ans pour démanteler l’espace public national de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
L’avant-projet d’ordonnance relatif à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche modifie le cadre statutaire sans qu’aucun bilan explicite et public n’ait été tiré des trois types de regroupements précédents.
Ce projet est idéologique : il constitue une étape majeure de la transformation des établissements universitaires en de simples acteurs de l’économie, en concurrence les uns contre les autres et liés aux intérêts privés dont il s’agit de satisfaire les attentes. Il est un puissant instrument de destruction de la démocratie universitaire et constitue une attaque frontale de nos statuts. Il illustre également la soumission du ministère aux lobbies des grandes écoles et au secteur privé de l’ESR. Le modèle d’universités et d’instituts démocratiques que nous défendons est la garantie d’un service public de qualité pour toutes et tous. Le remettre en cause aurait des conséquences sociétales délétères.
La première caractéristique de cet avant-projet est d’inciter à des expérimentations en lien avec la politique de site et de proposer un ensemble inédit de dérogations aux règles inscrites dans le code de l’éducation. L’opacité sur ces projets doit être levée et les documents de travail doivent être communiqués sans délais aux instances élues.
Les établissements publics expérimentaux prévus par la future ordonnance, et par suite les grands établissements, sont présentés comme l’outil qui permettrait aux établissements labellisés Isite de fusionner pour progresser dans les classements internationaux. Mais potentiellement, tous les regroupements peuvent être impactés par ces ordonnances qui ajoutent trois nouveaux dispositifs statutaires (établissement expérimental, convention de coordination territoriale, COMUE expérimentale).
Si la convention de coordination territoriale apparaît comme une possibilité de regroupement librement choisi, les COMUE expérimentales seraient un moyen de réduire les instances représentatives élues sans démanteler le niveau bureaucratique de ces-même COMUE. L’avant-projet d’établissement expérimental, lui, annonce clairement un démembrement complet de l’ESR qui se caractérise par :
- jusqu’à dix ans « d’expérimentation » sans possibilité de retour ;
- un recul démocratique par la suppression des instances élues ou la réduction des élu.e.s dans les instances ;
- des président·e·s qui pourraient être élu.es et reconduit.es à vie (avec la dérogation à la limite d’âge de 68 ans) ;
- une concentration des financements de recherche sur les seuls périmètres labellisés isite aboutissant à l’appauvrissement des initiatives originales hors périmètre d’excellence et à la fracturation des collectifs de recherche ;
- la mise en place d’une formation à deux vitesses : les filières d’excellence et les formations ouvertes, low cost, sans certitude de débouché en Master ;
- une nouvelle dégradation des conditions de travail des personnels : mobilité fonctionnelle ou géographique forcée ;
- l’explosion de l’emploi contractuel au détriment de l’emploi statutaire ;
- Un risque à terme de fusion des organismes de recherche dans ces « nouvelles universités » avec la disparition des statuts de chercheurs à temps plein.
La liberté académique et l’esprit de collégialité doivent demeurer le fondement de l’exercice de nos missions. Le SNASUB, le SNCS, le SNEP et le SNESUP appellent les collègues à défendre ces principes et à faire entendre leur voix dans le cadre d’une gestion démocratique des établissements. Ils soutiendront toutes les initiatives locales visant à s’opposer au projet d’ordonnance et à construire une riposte nationale.