Le Covid-19 dans le Supérieur

Après les annonces de fermetures des établissements scolaires et universitaires par Emmanuel Macron le 12 mars, il aura fallu trois longues journées à notre ministre Frédérique Vidal pour clarifier la situation des personnels des établissements du supérieur. Après avoir annoncé que la fermeture ne concernait que les activités d’accueil des étudiant.es, elle précisait finalement le dimanche (!) 15 mars que les mesures s’appliquaient aussi aux personnels.

Des établissements peu préparés à la crise

A la fin des années 2000, après les pandémies qui avaient marqué la décennie (SRAS, grippe aviaire H5N1, grippe A-H1N1), les secteurs privés et publics ont été invités par la direction générale du travail à mettre en place des plans de continuité de leur activité (PCA) en cas de crise. Pour les universités, il s’agit d’y prévoir l’ensemble des dispositions afin de garantir une organisation qui permette la continuité des activités administratives, pédagogiques et scientifiques essentielles en cas de fermeture partielle ou totale. En mars 2020, force est de constater que nos établissements affrontent la crise du coronavirus les mains nues : peu avaient un PCA préexistant à la crise, et c’est dans l’urgence des premières semaines de confinement que sont proposés aux instances (CT et CHSCT) des projets de PCA plus ou moins élaborés… quand ils le sont.

Ainsi en période de confinement, l’activité se poursuit, notamment pour maintenir les activités pédagogiques, érigées en priorité quasi nationale par les deux ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur, sans que l’on sache exactement dans quelles conditions d’exercice pour les personnels et surtout au mépris de la prise en compte concrète des effets du coronavirus sur les conditions d’existence des personnels comme des étudiant.es.

Et les élections universitaires dans tout ça ?

Les élections pour le renouvellement des instances et des présidences d’université ont commencé depuis la rentrée universitaire. On estime que deux établissements sur trois n’avaient pas achevé ou débuté le processus électoral quand le confinement a été mis en place. Ainsi, le ministère (1) a décidé de prolonger les mandats des président.es d’université qui n’ont pas encore été renouvelés.

Pour la période les possibilités de réunion à distance ont été élargies, permettant de réunir toutes les instances en distanciel. Cela n’empêche pas certains président.es d’université de se prendre toutes les largesses possibles en demandant délégation de pouvoir sur de nombreux sujets (dont les modalités de contrôle des connaissances) parfois en modifiant les périmètres des conseils appelés à voter, parfois en modifiant les règles de quorum, parfois sans consulter le CT (2)… Il s’agit là de mises en cause de la démocratie qui sont inacceptables, même au nom d’une pseudo confiance toujours unilatérale. Dans la plupart des établissements, le CHSCT et le CT se sont réunis au moins une fois.

Confinement et travail : de nombreuses questions

Le télétravail est devenu la règle par défaut pour nos collègues. Cela s’est fait dans l’urgence, bien souvent sur leur poste informatique et téléphone personnels, avec des relations hiérarchiques pouvant se révéler complexes.

Beaucoup sont dans une forme d’entre-deux, pas formellement en ASA, mais gardant leurs enfants une partie de la journée, et télétravaillant une autre partie de la journée, parfois partageant le même poste informatique que leurs enfants… Cela crée du stress et de la tension. Cela individualise aussi le rapport au travail.

Les établissements entendent souvent imposer la prise de congés aux personnels pendant le confinement, afin d’empêcher une trop grande accumulation de congés. Cette vision managériale n’est pas acceptable. En revanche, le repos est nécessaire pour nos collègues : une période de fermeture des établissements peut être envisagée permettant le report des réunions, instances, envois de mail… et permettant réellement aux collègues la  » déconnexion  » et le repos.

Pour finir, la question du déconfinement doit se poser dès à présent :

  • Quelles solutions pour les examens de fin d’année ?
  • Quelles modalités pour éviter que la fracture numérique, bien souvent corrélée à la fracture sociale, ne desserve de nombreux étudiant.es ?
  • Comment éviter une surcharge de travail impossible à gérer par les services ?
  • Quelles protections pour les personnels à la reprise ?

Bref, il est essentiel que les établissements travaillent dès à présent sur ces sujets.

Mais cette situation  » exceptionnelle  » ne saurait justifier les arrangements avec la démocratie de nombre de président.es d’université ! Elle ne peut pas non plus voir se poursuivre, comme si de rien n’était, les discussions sur certains sujets tels que la LPRR. Si l’opposition à ce projet de loi ne trouve mécaniquement plus à s’exprimer, elle n’en reste pas moins profonde dans la communauté universitaire

Pierre HEBERT et Julie ROBERT
responsable du secteur SUP du SNASUB-FSU

Notes :

1. voir la circulaire de la DGESIP

2. Voir la fiche 12 sur le site de la DGESIP